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20 janvier 2009

La Cour des Miracles derrière Obama

article_pauvres

Inger Marlowe, Justin Simmons et Triouleyre, invités par le milliardaire Earl Stafford à l'investiture de Barack Obama./Laura Desjardins / 20minutes

 

Barack à droite, Barack à gauche ? Difficile d’appliquer au nouveau président américain une casquette politique à la française, entendez duale et étriquée, où chaque homme politique serait exclusivement placé d’un côté ou de l’autre du Président de la République. Ici, on se lève du mauvais pied et tout est définitivement écrit, seul Eric Besson semble avoir transgressé la malédiction bipolaire de notre classe politique ! Faut-il vraiment s'inquiéter du penchant politique du 44ème président américain, dès lors que ses mains seront liées aux attaches patriotes de ce qui reste, rappelons-le, la première puissance mondiale?

 A l’américaine, tout change, tout est plus grand, c’est comme un beau happy end. Premièrement, Barack Obama va être investi avec la présence remarquable d’une assemblée populaire. Non, pas de démocratie directe aux Etats-Unis, loin s’en faut, mais une mise en scène de souveraineté du peuple grâce au milliardaire Earl Stafford. Le bienveillant a dû se sentir dans une histoire obamagique pour débourser comme ça un million de dollars pour des pauvres ! Qui de nos millionnaires réserverait 300 chambres dans le plus bel hôtel de Paris pour l’investiture de Nicolas Sarkozy ? Mais là-bas tout est possible. Suffit un peu de bon sens, de la volonté… Et quelques dollars en poche.

300 convives très spéciaux participeront donc au bal après la cérémonie d’investiture du 44ème président à laquelle ils seront présents. Parmi eux, des enfants des rues, des femmes battues ou des victimes d’ouragans. Bref, de quoi édifier une magnifique Cour des Miracles, sauf que cette fois, ils se gaveront de fruits de mers et danseront dans de magnifiques tenues de soirée !

Barack Obama est donc un président d’un nouveau style. Lui qui a débuté sa carrière en tant qu’animateur sociale dans un quartier défavorisé de Chicago, promet désormais d’être à l'écoute des nécessiteux. Plus de scandale de la Nouvelle Orléans, jamais ! Alors, de gauche le sénateur de l'Illinois ? A ce poste, il aurait milité en faveur de la couverture sociale des plus pauvres, le « béni » aurait prit la défense des droits des homosexuels. Mais le premier président afro-américain des Etats-Unis est aussi homme de compromis. Nombre sont les journalistes perspicaces à mettre un frein à l’obamania générale en faveur de plus de réalisme. Realpolitik, on connaît le refrain outre-Atlantique. Les colombes ne font pas long feu… Barack Obama s’est entouré de nombreux membres de l'administration Bush pour gouverner. Inutile de la jouer franchouillars avec notre bonne vieille politique bipolaire, Barack sera dans le camps des pragmatiques ou échouera. Mieux vaut, pour l’instant, se contenter du rêve américain : 300 convives sans le sou au bal le plus huppé de toute l’histoire du pays ! Fort probable qu’un film sorte dans l’année à venir sur ce nouvel exemple de magie à la sauce « Stars and stripes »…. Yes they did !

Source : 20 minutes.fr, le 20 janvier 2009

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11 janvier 2009

Tomasz, brailleur de nuit des caves de Paris

tomaszlive

« Brailler ». Sens premier: « crier de façon assourdissante ». Sens figuré: « chanter fort et mal » (définition de l’Internaute). Quel chanteur supporterait qu’on le compare, même de loin, à un « brailleur » ? Pour Tomasz, loin d’être une insulte, ce dénominatif est devenu l’étendard de son art.

Une énigme…La trentaine bien attaquée mais toujours mal rasé, sweat-shirt à capuche, l’air pataud et affreusement amical, le chanteur se passe des formules de politesse de circonstance. D’ailleurs, cet arpenteur de petites salles de concert en tout genre éjecte de fait toutes les normes de langage conventionnelles et les non-dits habituels. Samedi 3 janvier, après une première partie au Connetable, petit resto dans le Marais doté d’une cave en sous-sol, Tomasz annonce à un auditoire réduit : «si jamais vous voulez rester jusqu’à 22h30, je serais là pour brailler une petite demi heure » !

Décontraction déconcertante, probablement acquise après la bagatelle de 500 concerts qu’il a joués depuis 2001. Tomasz est boulimique de la scène, accro au contact avec son public. Il suffit de regarder son myspace. Neuf concerts l’attendent déjà en janvier... L’année 2009 commence fort. Un homme pressé se cacherait derrière ce visage enfantin et enjoué? Etonnant pour un adepte de Noir Désir, mais le chanteur avoue n’être efficace que dans l’action, et ne pas se donner le temps nécessaire à travailler ses compositions. Des caves comme celle du Connetable, il en a écumé des centaines. Ses sous-sols préférés ? L’apérock café, le Café de mars, la Cave se rebiffe…Quand il a commencé à gratter dans des groupes de rock, l’envie de live l’a vite gagné. « Mon but c’était de faire des lives. Faire deux répétitions par semaines pour un live par mois, ça ne me convenait pas ».
Alors il décide de tenter sa chance en solo. Culotté pour quelqu’un qui a appris la guitare seul et « comme un feignant ». Mais tout semble aller de soi pour cet enfant d’Europe de l’Est. Ses parents ne sont pas musiciens, mais à leur départ de Pologne, ils emportent avec eux leurs mélodies slaves. Tomasz a huit ans. Il est fasciné par la guitare. Peut-être parce qu’en écoutant le transistor qui braille des mélodies rock, il n’arrive pas à comprendre comment les guitares rouges – un groupe de rock polonais « à connaître » - font pour tenir à l’intérieur ! Alors c’est sur ce mystère qu’il décide d’aller s’égosiller de cave en cave depuis huit ans? Une passion fétiche ? Un souvenir de gosse ?

 Une énigme…Les braillements en question, ils reviennent à intervalles réguliers, comme les anecdotes caustiques qui rythment son live bien calé. Ses prestations se divisent entre reprises et compositions personnelles. Le besoin d’être bestial, de faire cracher le micro ? « J’aime trop faire des reprises. Quand je ne fais que des compos, j’ai l’impression d’avoir faim en sortant, tu comprends ? » Soit. Son regard plein d’assurance, de celle qui naît d’un parcours bien rempli et loin d’être encore achevé, parle surtout de liberté. Oui, sa manageuse, « une amie » précise-t-il, le somme de faire plus de compositions, pourquoi pas des premières parties, mais il ne semble pas prêt à faire ce saut qualitatif. Peur de s’enfermer dans son propre style, de déplaire, de s’appauvrir, ou générosité envers ses pairs et son public? Peut-être tout simplement le plaisir de chanter ses vieilles rengaines. Un bonheur perceptible sur son visage quand il « braille » Allez viens de Mano Solo, quand il rugit de plaisir au beau milieu d’un morceau de Noir Désir. Le public, lui, frissonne lorsqu’il l’entend fredonner Jeff Buckley avec des trémolos dans la gorge et un coffre digne de l’ex-rossignol du rock n’ roll. Pourquoi se priver de ces reprises bien senties pour se consacrer uniquement à la compo? « Je ne suis pas vraiment carriériste » révèle-t-il. On s’en doutait un peu. C’est peut-être son remède à l’aigreur, un des seuls thèmes qu’il aborde les sourcils froncés. Pourtant au-delà des reprises, ses compositions valent aussi le détour. Le chanteur aux racines polonaises pense slave quand il compose et français quand il braille. Le résultat donne des créations tout en langueur et empreintes de nostalgie. Toute la variété française se donne en fait un apparat slave, « avec des accords ré la mineur ré mineur qui viennent tous de l’Est » selon Tomasz, qui apprécie cette recherche de nouvelles influences. Le chanteur qu’on imagine bon camarade, se fait bombarder de conseils par ses proches. Pourquoi pas des compositions en polonais ? Arrêtes de tourner, prends plus de temps pour composer ? Mais les écoutes-t-il ? A l’heure actuelle, comme s’il n’assumait toujours pas son côté mélancolique, ses concerts finissent toujours avec une petite dernière de Jeff Buckley ou de Tracy Chapman.

L’énigme a peut-être là son dénouement. Comme tant d’artistes qui tournent de cave en cave avec des cachets qui feraient pouffer les adeptes des grosses scènes, Tomasz a le profil modeste. L’ambition ne le ronge pas. Son album Novambre sorti l’an dernier est en vente dans quelques magasins, mais surtout à la fin de ses concerts. Il table sur 300 ventes par an. Pour le montage et l’édition, ce débrouillard a transformé son appart en studio d’enregistrement. Bienvenue dans le monde merveilleux de l’autoproduction ! Des mois de boulots, en trio avec une violoncelliste et un accordéon rencontrés sur le site de rencontre myspace, comme son ami manageuse. Depuis, il est sur un nouveau projet avec des enfants de sa ville. En collaboration avec un auteur, il a proposé à la mairie de Suresnes de faire chanter les enfants entre 16h30 et 18h à la sortie de l’école.

Une façon peut-être de montrer aux gosses que la chanson n’est pas que du bruit enfermé dans un transistor, que tout le monde peut en faire. Tomasz a dû passer par des études avant de pouvoir fredonner librement. « J’ai fait quatre ans d’études en AES (Administration Economique et Social)…J’en ai au moins tiré une chanson », s’amuse-t-il à dire avant de fredonner son morceau sur la vocation de travailler dans l’administration. Lui qui a fait le mouton comme tout le monde, rêve peut-être en secret de voir des jeunes pousses de brailleurs à Suresnes, prêts à prendre la relève…Mais la chanson n’est pas comme le sport, on peut faire une longue carrière. Même si ce bon vivant concède avoir fait des excès au cours de ses nombreuses tournées. « Tu te fais payer quatre, cinq pintes, il y a un moment où il faut savoir dire stop ». Dorénavant, il se vante d’être un des seuls Polonais à boire de l’eau. Et il espère continuer à brailler pendant encore longtemps. A moins que – il semble seul à s’en inquiéter - il ne devienne aigri avant. En attendant, il continue de brailler, profond comme les caves qu’il écume, et insouciant, comme si chaque concert était une première. Aurais-t-il trouvé dans les bas-fonds parisiens l’élixir de l’éternelle jeunesse ?

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le myspace de Tomasz,

http://www.myspace.com/tomaszlivecom.

 

 

9 janvier 2009

Ce que le jour doit à la nuit Yasmina Khadra, édition Julliard, 2008.

photo_khadraNous vivions reclus sur notre lopin de terre, pareils à des spectres livrés sur eux-mêmes, dans le silence sidéral de ceux qui n’ont pas grand-chose à se dire…Le décor est planté. Le destin de la famille de Younes semble fatalement écrit au verso de l’Histoire. Mais alors qu’il est promis à une vie d’indigence dans les bidonvilles arabes de Rabat, son père le place sous l’aile de son oncle, qui lui a réussi et vie dans la partie européenne de la ville. Changement de décor pour Younes. Francisé – on l’appelle Jonas – il passe son adolescence dans une petite bourgade où ils se mêlent aux colons français. Et dans ce décors paisible ombragé par la menace de la guerre civile, Younes rencontre l’amour. Mais entre un Arabe et une Française, l’union, plus qu’improbable, est impossible...Le parcours torturé de cet enfant sans famille, à la croisée entre deux cultures – ses racines arabes et sa culture française d’adoption – est ressassé par une plume qui mêle poésie et dramaturgie avec la même force. Le récit oscille entre l’introspection du personnage principal et les échos d’un conflit larvé, celui de l’indépendance de l’Algérie, qui grandit à mesure que l’histoire se développe.

Mais le contexte de décolonisation n’élude pas toute la beauté méditerranéenne de l’Algérie, qui ressort avec grâce sous la plume imagée de l’auteur. Par son dernier roman, Yasmina Khadra effectue un retour à ses racines, en rentrant dans la peau d’un enfant en quête d’identité, et nous décrit avec une finesse rare l’une des période les plus dure de l’histoire de son pays.

 

Pour cette fresque mêlant Histoire et sentiments, l’auteur algérien francophone a remporté le prix France Télévision. Mais pour l’écrivain, son dernier roman, présenté à l’occasion de la rentrée littéraire 2008, méritait plus. Pas de prix plus prestigieux donc pour celui qui se considère « plus célèbre que l’Algérie ».

C’est sous son vrai nom, Mohammed Moulessehoul, que l’ancien militaire officiant dans l’armée algérienne a publié ses premières nouvelles. Arrivé en France en 2001, il publie L’écrivain sous le pseudonyme Yasmina Khadra. Mais c’est Morituri qui le révèle au grand public. Désormais internationalement reconnue, son œuvre est traduite en 33 langues. Ces dernières publications prenaient la forme d’une trilogie articulée autour du dialogue entre Orient et Occident. Avec Les Hirondelles de Kaboul en 2002 (adapté au cinéma), L'Attentat en 2005 et Les sirènes de Bagdad en 2006, il a tracé un pont entre ces deux civilisations, soucieux de briser les préjugés qui règnent d’un côté comme de l’autre.

Ce que le jour doit à la nuit ne sera ni Renaudot ni Goncourt, ce qui a le don de froisser l’écrivain. Pour le lecteur, l’important est ailleurs, ce nouveau roman aborde d’une manière nouvelle un sujet épineux - la décolonisation algérienne – un retour important sur l’histoire partagée de deux pays frères et ennemis.

28 décembre 2008

Two Lovers, le love dilemme

- Pour une vie fade, sans folie, lesté d’une fille de bonne âme et de bonne lignée, tapez 1.

- Pour un destin sinueux, sans cran de sûreté, carpe diem, lié à une paire sulfureuse mais instable et inconstante, tapez 2. Avant le vote, retour en arrière. Comprendre avant de répondre, la rengaine des professeurs téméraires a fini par payer. Problématique: comment arrive-t-on à un tel love dilemme?

C'est comme dans la pub Axe. Il était un avant, il y eût un après...Enfin un a-peu-près pour être plus précis. Léonard était seul, au bord du suicide, il vivait encore chez (et bossait avec!) ses parents. Une flamme au fond des tripes, un trésor caché, certes, reste que "dis-moi où tu habites...". Ses parents ont beau être du genre discrets, le trio classe moyenne a beau être attendrissant, on craint pour la santé mentale du jeune lunatique, flanqué de ses rêves et de ses hobbies sans profondeur. Puis la roue tourne. Deux rencontres, une brune (Vinessa Shaw), une blonde (Gwyneth Paltrow). Culotté le Leonard, qui ne peut s'empêcher d'aller bouffer à tous les râteliers. On a beau lui répéter que cette douce jeune fille est de bon ton pour lui, que c'est bon pour le business du paternel...Rien n'y fait. A croire que quand on vous tend des perches, vous foncez bêtement dans le néant qu'elles cachent. Mais, malin, James Gray nous enveloppe le néant de reliures dorées. Les belles tignasses blondes reste l'arme fatale pour faire faillir les plus braves, et Leonard loin d'assurer la bravoure, a avec une dose hors du commun d'entêtement...Jusqu'où est-il prêt à mlonger avant de rattrapper la perche?

James Gray a fait appel à un trio d'acteurs capables d'endosser des rôles tordus et exigeants. Dans le genre attachante avec un regard de chien fidèle, Vinessa Shaw en vient à faire douter des bons sentiments, comme si ce trop de bonté était obscène. Gwyneth Paltrow incarne elle une névrosée en perdition, comme un radeau de la méduse: dangereusement esthétique. Enfin, last but not least comme diraient les british, Joachim Phoenix, désolé de nourrir l'archétype, mais c'est pour moi le roi des écorchés vifs. Il en a le physique certes, mais surtout cette flamme troublante et jamais de la même couleur qu'expose son regard selon la séquence. Le love dilemme s'éloigne alors du naufrage dramatique, mais aussi du conte de fée onyrique...Le jeu de l'amour est le plus révélateur de nos lumières comme de nos travers. A ce petit jeu, James Gray nous met tous à nue!

Two Lovers de James Gray, avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow et Vinessa Shaw.
Sorti le 19 novembre.

19 décembre 2008

Des pensées d'un fou sont sortis ces mots...Quel était ce fou? Pourquoi est-il encore parmi nous, au coeur de notre trop plein?

"Les hommes construisent des objets et fabriquent des demeures, mais seul le vide leur donne sens. Le manque est ce qui donne son sens à l'existence."

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12 décembre 2008

Le silence des braves

La Vie Moderne, Raymond Depardon et Claudine Nougaret

On est sur les routes de l’Ardèche, lentes et sinueuses. La nature entoure la camionnette ronflante qui se dirige vers la ferme des Privat. A l’intérieur, le décor est simple. Pas un meuble ne semble avoir été ajouté depuis la dernière visite de Raymond Depardon, quelques années plus tôt. L’endroit est pauvre. Pourtant, Marcel et son frère possèdent un des troupeau de moutons et de chèvres les plus importants du voisinage. Ils sont éleveurs. Leurs parents faisaient ce métier, mais que feront les enfants ? 

 

On reprend la route, lente et sinueuse. Les fermes se font discrètes entre les sentiers escarpés, mais Raymond Depardon les connaît toutes, après y avoir tourné les premiers volets de sa Trilogie « Profils paysans ». La Vie moderne est la conclusion de cette série d’entretiens.
Entre les paysans, Raymond Depardon et Claudine Nougaret, une caméra et un micro. Patient, immobile, l’œil électronique est rivé sur des visages racornis, parfois souriant, souvent fermés. Des questions simples, amicales, pour briser le silence et scruter les pensées des éleveurs sur leur vie quotidienne. Peu habitués à ce manège, leurs propos restent souvent allusifs. Mais ce que l’on croit être timidité ou manque de conversation est peut-être une sagesse oubliée, capable de résumer une vie en quelques mots.

 

Comment illustrer un mode de vie en train de disparaître ? Le photographe de l’agence Magnum ne s’intéresse pas au travail des paysans, il n’est pas naturaliste. Fils de paysan lui-même, il porte un regard anthropologique. Les agriculteurs enracinés dans leur terre natale, mêlés à ses ressources, son air, voilà une cause perdue. Un oubli que le documentariste rattrape avant qu’il ne soit trop tard. La vie moderne aura bientôt raison de ces modes de vie, filmés ici dans leur digne intimité. Comment perpétuer votre mode de vie ? Que transmettrez-vous à vos enfants ? n’ose pas demander le journaliste. Les réponses se lisent dans les regards, non dans les mots. « Tu as peur quand tu te dis qu’un jour tu ne pourras plus travailler ? », interroge Raymond. « Pourquoi j’aurais peur, je n’ai peur de rien, pas même de la mort » répond l’agriculteur septuagénaire. Tu l’auras pas ton scoop, Raymond !

On sent tout le potentiel politique derrière ce film, tout l’engagement de l’auteur pour témoigner d’une extinction professionnelle et culturelle. Mais pas de cri, pas de pleurs pour l’accompagner. Juste une sagesse étrange et discrète. Il faut dire que le chemin qu’ils ont parcouru est déjà long. Long, lent et sinueux.

3 décembre 2008

Tricky : clown triste

Tricky en live à l’Elysée-Montmartre, Dimanche 30 novembre.

 

En sortant du boulot ce dimanche, il a vraiment les nerfs. Et les discours alarmistes sur la loi du travail le dimanche le font doucement sourire. Narquois, irascible, il veut, le temps d’un soir, sortir ce nœud qui lui colle à l’estomac. Coïncidence ? Tricky débarque à Paris pour un concert à l’Elysée-Montmartre. Le lieu, dont l’architecture transpire le passé théâtral, semble convenir au dramatique du moment. Plus qu’un hasard, une simple justice se dit-il : après son buzz médiatique raté au 104, le kid de Bristol se devait un live en bonne et due forme.


tricky          Echauffement et mise en jambe

 
Tricky n’a pas sorti de disque pendant quatre ans. Difficile à avaler pour les fans, alors certains ne l’attendaient plus. Mais, imprévisible, l’écorché vif d’outre-Manche débarque avec un nouvel album. Comment va-t-il le défendre ? Quel est la couleur du nouveau Tricky, apaisé ou plus brutal encore? Pendant une heure, il n’en saura rien. Planté au milieu de la foule, elle-même lâchement abandonnée par le chanteur en coulisse, il s’énerve. Tous s’impatientent, et le tube de dancehall qui tourne en boucle pour les faire patienter ne fait qu’échauffer d’avantage les esprits.

En coulisse, on s’échauffe aussi. Et quand le gong retentit, tout est prêt. La mise en scène, malgré le temps d’attente, annonce un show agressif. Tricky débarque, spliff entre les doigts, le public dans le dos, il commence à balancer. Les instrumentaux démarrent, langoureux mais saillants, comme un orchestre symphonique avant une scène de crime. Puis il se retourne, laisse poindre un visage grave, et commence à chuchoter dans le micro. L’ambiance monte d’un cran.


Une heure et demi d’agressivité mélodique


Sur scène, le kid de Knowle West, quartier pourri de Bristol, est un personnage clownesque et inquiétant. La cadence saccadée des musiciens lui sert d’électrochoc. Il s’immobilise, puis se contorsionne, secoue la tête sans relâche, puis retombe dans ce faux rythme qui précède la tempête. Tricky est là où on l’attendait. Pas calmé du tout le pionnier du trip-hop. Une voix féminine soufflée et planante l’accompagne, et donne à l’ensemble toute la complexité d’un genre musical porté par des groupes tels que Portishead et Massive Attack. Tricky y ajoute sa dose de violence.

 

Après une pause, le groupe revient pour trois morceaux qui n’en finissent plus.. « You’re all special » scande Adrian Thaws, alias Tricky, dont les messages s’adressent souvent d’abord à l’égo, ensuite à l’instinct. Gamin, il en a bavé. Le son écorché de ses compositions parle de sa colère. L'ensemble est fondu par un sampleur qui mélange les styles. La rencontre entre électro, fusion, ragga, et le dialogue entre sa voix rauque et une voix féminine fonctionne étrangement. Bref, Tricky est drôlement chouette, même s’il n’aimerait pas qu’on dise ça. Et dans ces conditions, pourquoi ne pas travailler tous les dimanches ?

 

 

 

 

 

 

3 décembre 2008

L’amour, ce doux fardeau

Il faut un bon grain de folie pour oser affronter un art aussi exigeant que la danse sans en avoir l’expérience, normalement acquise après des années de labeur.akram_khan_et_juliette_binoche_theatre_fiche_spectacle_une

 

Etais-ce risqué ? Probablement. Mais de risques nos vies débordent. C’est un risque pour Juliette Binoche que de se produire sur scène en duo avec Akhram Khan, danseur contemporain de renom. Et ce sont les risques de la vie quotidienne d’un couple qu’ils mettent en scène, entre le 18 et le 29 novembre au théâtre de la Ville, dans une chorégraphie émouvante et pleine de fantaisie.

 

A voir Juliette Binoche se mouvoir sur scène, alternant entre pas classiques et gestuelles brutales du quotidien, on se dit que pour elle, la scène et la vie ne font qu’un. On se demande si ce ne sont pas ses rêves brûlants d’adolescente qu’elle retranscrit dans ce spectacle, en y intégrant le désenchantement et le cynisme de son univers d’adulte. De l’instant magique où elle désire sa nuque dans l’obscurité d’un cinéma, au lot de chagrins dus aux partage de son toit, Juliette Binoche récite tout son vocabulaire de l’amour pour un homme. Sur scène, leur couple est délicieusement humain. Les corps s’attirent autant qu’ils se fuient, se caressent autant qu’ils s’attaquent. Le quotidien le plus trivial y côtoie les crispations identitaires les plus sombres. C’est toute la beauté du scénario : il enrobe toutes les trames de leur vie dans une danse qui les enivre tour à tour d’amour et de haine réciproque.
Il est follement risqué de traiter de l’amour. Juliette Binoche et Akhram Khan ont fait le choix de se mettre à nu. Dans leurs saynètes, ils ne dansent pas seulement, ils s’engueulent, chantent, font l’amour, pissent…
Ils s’aiment, à leur manière, qui est aussi la nôtre. Bref, ils prennent le risque d’être humain.

 

  

20 novembre 2008

Le vingtième arrondissement veille sur sa mine d’or

La gare de Charonne, un café-concert vintage ? Jamais les passagers de La Flèche d’Or ne l’auraient imaginé. Pourtant, complaintes de la modernité, la fière locomotive a été dépassée ici par les bus, là par les voitures, et la gare où passait le train à vapeur a dû fermer. Une page s’est tournée, et le livre aurait pu se fermer là. Mais l’histoire est relancée dans les années quatre-vingt dix.
L’heure est alors au vintage, et une association de mélomanes nostalgiques s’approprient la gare abandonnée pour en faire un espace musical ouvert aux artistes et fêtards en tout genre. Le lieu se veut sans règle ni contraintes, à tel point que les autorités mettent peu à peu le nez dans leurs affaires et découvrent les excès de la vie nocturne de
La Flèche d’Or.
De fouille policière en fermeture administrative, le lieu devient plus calme, la fête se normalise.
Les nouveaux managers de
La Flèche d’Or
sont-ils allés trop loin dans le repenti ? Que reste-t-il de l’esprit des fondateurs ?

Le XXe arrondissement de Paris, c’est un peu comme les Alpes : montagneux et désert. Des sommets urbains, et au loin, les cimes des cités de la banlieue est. Pourtant samedi soir, en descendant la rue des Pyrénées, j’aperçois au milieu du paysage une centaine de personnes qui font la queue dans le froid, à l’entrée de la rue de Bagnolet. Cette lumière au 102 bis, c’est La Flèche d’or. La vingtaine dépassée, ils scrutent l’avancée de la queue, jettent un œil à l’humeur des videurs, et discutent avec les veinards qui sont déjà rentrés. Attendre, semble-t-il, fait partie du jeu. Et il en vaut la chandelle : depuis 2003, La Flèche d’Or est ouverte et gratuite tous les jours de la semaine jusqu’à deux heures du matin. Pas moins de trois show case de musique actuelle sont programmés, suivis, dès minuit, d’une soirée électro où s’enchaînent une pléiade de DJ.
Mais depuis quelques mois, venir découvrir les dernières tendances musicales de Paris a un prix. Cinq euros. C’est peu pour Alexandre, qui s’occupe de gérer la communication de la salle. Rencontré un peu plus tôt, il propose une visite de son antre, à la couleur grise et ferrailleuse de l’ancienne gare de Charonne. Au fond, un restaurant avec véranda donne sur les rails. Pendu au plafond, une statue de licorne. Des peintures apposées par des étudiants des beaux-arts ornent les murs. On comprend le coup de foudre d’Alexandre quand il a décidé de travailler pour la nouvelle équipe en 2003. Il revient, amusé, sur l’ambiance de La Flèche d’Or dix ans plus tôt, le bar était alors un squat d’artistes. Les clients finissaient souvent dehors… Sur les rails ! Bref, la fête ne supportait pas la moindre entrave. Mais les débordements et les trafics de drogue ont mis fin à cet îlot de liberté. En 2003, un énième contrôle de la police produit l’inévitable : la fermeture administrative de la Flèche d’or.

La Flèche d’Or sans ses pionniers

Le lieu renaît de ses cendres, mais les nouveaux gérants changent de formule, calment le jeu.
Pour la serveuse du Gambetta, le troquet qui jouxte la boîte, c’est en fait tout le quartier qui s’est transformé. Plus de squat d’artiste face à la salle. Il a été rasé puis remplacé par une résidence étudiante. A côté, un nouvel hôtel, le Mama Shelter, s’est ouvert. Et touristes et autochtones peuvent désormais se rendre dans la médiathèque flambant neuve à deux pas. La rue de Bagnolet s’est donc acclimatée à l’air du temps, elle est devenue cosmopolite. Une aubaine pour les nouveaux gérants de la Flèche d’Or, qui en rouvrant la salle en 2003, ont fait fructifier un lieu devenu culte.
Mais pour beaucoup, l’esprit des pionniers est déjà loin. L’entrée payante n’est que l’ultime coup de crayon qui fait du lieu une boîte comme tous les autres lieux nocturnes de la ville.
Au 102 bis rue de Bagnolet, on peut désormais se faire planter par des videurs peu bavards, s’insurge un habitué sur le profil Facebook de la salle. Il se promet d’ailleurs de ne plus y mettre les pieds. La serveuse du Gambetta, elle, n’essaie même plus d’y entrer. Elle s’est trop faite refouler.

De l’art de lier argent et création musicale

Pour les fans de la première heure, l’affaire est grave. Car si tout lieu festif doit perdre son esprit originel pour remporter un succès commercial, la culture risque d’être un pur produit industriel. Logique commerciale ou désir de faire connaître et de soutenir les artistes ? Pour Alexandre, les deux aspects vont de pair.
Ce ne sont plus tant les locaux qui viennent se rassasier l’oreille musicale, mais un public qui suit les dernières trouvailles sur internet, et défend ses artistes favoris. La Flèche d’Or est ancrée dans cette nouvelle réalité du marché musical : le réseau. Pour faire des entrées, ils font appel à des tourneurs qui les conseillent sur les groupes qui font le plus de vague sur la Toile. Le responsable de la communication est réaliste : l’équipe artistique du bar ne peut pas faire son travail sans le budget des entrées. Or le public, trop souvent, est venu sans dépenser, et la boîte, sans subvention publique aucune, aurait à ce rythme bien vite fermé.
Pour les nostalgiques, une page s’est tournée. Encore un lieu culturel gratuit qui disparaît.
Pour ceux-là, Alexandre est sans complaisance. Ils peuvent aller dans les salles subventionnées par la mairie s’ils veulent ! Ils ne paieront jamais sous la barre des dix euros pour un seul artiste dans la soirée.
Pour lui, La Flèche d’Or est un lieu fragile, comme l’est la culture à l’heure actuelle, et ce n’est pas un scandale que de payer sa boisson pour voir Cocorosie suivie de Keziah Jones !

Emmanuel Haddad

19 novembre 2008

J-15 pour les Transmusicales, l'heure du flashback

Voici un petit aperçu de ce qu'ont été les concerts de la 29e édition du festival des Transmusicales, à Rennes, l'an dernier.

Le journal de Sciences po Rennes, Les pieds dans le cloître, a eu la chance de couvrir l'évènement.

Spécificité du festival, à côté des artistes consacrés qui remplissent des salles de plusieurs milliers de personnes, une pléiade de musiciens se font encore la main dans les bars de Rennes. Le public est restreint, mais intraitable, l'ambiance, simple et chaleureuse.

Coup de projecteur sur ces artistes de comptoir!


Samedi 8 décembre 2007

BASTET

Bastet est dans la place... Le chanteur breton, en nage, scande : « Ca s’appelle les bars en transpiration ! ».

Le leader du groupe a bien raison. Prenez un bar rempli, une heure d’attente et vous obtiendrez des corps suintants. C'est le prix à payer pour ce voyage musical en terre anglophone. Entre Supertramp et les mythiques Queen, Bastet nous transporte dans un univers sonore so british : « delightful ! ».

Le quatuor quimpérois prend un chemin original. Il met le paquet sur les claviers sans perdre l'intensité de leur rock planant et onirique. On se souvient alors des performances magiques de Freddie Mercury au piano, le parallèle est tracé. Leur credo est bien celui d’une pop limpide, enivrante et rythmée. Le clavier aux sonorités electro et leur audacieux duo de voix innovent en  parant la mélodie pop d’une robe moderne.

Marchent-ils sur les traces du duo français Air ? Groupe qui osa la traversée de la Manche pour aller chercher ses influences british. Une chose est sûre avec Bastet, la qualité de la pop en Bretagne n’a rien à envier à sa grande sœur d’outre-Manche !

> Site officiel

par Emmanuel Haddad

Vendredi 7 décembre 2007

GENJINI

Pour le trio lillois, membre du collectif de La Marmite, une heure de set est suffisante pour venir à bout du public.

Mode d’emploi d’une invasion électro-nordique, rythmée, psychédélique et sans concession :

Acte I, l’armée de voix puissantes se déploie. Le Ty Anna Tavarn est secoué par une artillerie lourde de fat disto. Les machines modernes reflètent l’avance technologique des lillois. L’electro rétro et ludique fait son effet. Les corps se lâchent et déraisonnent.

Acte II, c’est l’explosion ! Les beats répétitifs et expérimentaux créent une ambiance psychédélique. Ils osent le mélange entre disco rétro et break beat. Un guitariste hirsute accompagne un morceau de ses rugissements vocaux.

La formation electro-punk s’étonne… Ca fonctionne ! Le rennais apprécie et se lance dans des déhanchés lubriques. Rien d’étonnant tant leur electro ne peut laisser indifférent. L’électro-nordique n’est pas froide. Bien au contraire, elle enflamme le Ty Anna Tavarn !

Epilogue, Genjini a vaincu. La découverte du Printemps de Bourges 2006 a accompli sa mission. D’un bar breton, elle a façonné un club underground.

> Site officiel
par Emmanuel Haddad


Jeudi 6 décembre 2007

NAIVE NEW BEATERS

« Ok Rennes est-ce que vous êtes chaud comme des patates ?! »

Entrée décapante, décalée et scénique. David Boring déboule dans le sous-sol du Ptit Bazar, et le public s'ameute. Chemises kitsch mais crinières viriles, flow puissant mais chorégraphie sexy... Mais d'où sortent-ils ?! Rencontre avec un trio inédit qui allie avec brio (et humour au 7ème degrés) rythmique électronique (Eurobelix aux machines), rap efficace et envolées électrique (MartinLutherBBKing à la gratte).



> 3 questions alcoolisées au groupe


Que pensez-vous du public rennais?
Cool guys, really cool. Ils boivent beaucoup et ils transpirent beaucoup. S'ils tanspirent c'est que c'est des gars cool !


Vos influences ?

Attends c'est clair, c'est fresh prince, c'est Clint Eastwood, c'est Leonardo di Caprio, Queen, Gun's&Roses, et des français comme Daft Punk, Minitel Rose... Cool guys ! On a joué avec eux !


Vos projets d'avenir ?

Grandir, prendre en maturité, sortir un album, acheter un scooter !

> Site officiel


Sachez que cette année, les Naïve New Beater ont fait leurs preuves,

et se représenteront au Parc Expo de Rennes. Les Bars en trans, un tremplin?

par Emmanuel Haddad

Pour en savoir plus sur l'édition 2007:

http://barsentrans2007.over-blog.com

Pour savoir ce qui vous attend cette année:

http://www.transmusicales.com/#/default.htm


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