Inger Marlowe,
Justin Simmons et Triouleyre, invités par le milliardaire Earl Stafford à
l'investiture de Barack Obama./Laura Desjardins / 20minutes
Barack à droite,
Barack à gauche ? Difficile d’appliquer au nouveau président américain une casquette politique à la française, entendez duale et étriquée, où
chaque homme politique serait exclusivement placé d’un côté ou de l’autre du
Président de la République. Ici, on se lève du mauvais pied et tout est
définitivement écrit, seul Eric Besson semble avoir transgressé la
malédiction bipolaire de notre classe politique ! Faut-il vraiment s'inquiéter du penchant politique du 44ème président américain, dès lors que ses mains seront liées aux attaches patriotes de ce qui reste, rappelons-le, la première puissance mondiale?
A l’américaine, tout change, tout est plus grand, c’est
comme un beau happy end. Premièrement, Barack Obama va être investi avec la présence
remarquable d’une assemblée populaire. Non, pas de démocratie directe aux
Etats-Unis, loin s’en faut, mais une mise en scène de souveraineté du peuple grâce
au milliardaire Earl Stafford. Le bienveillant a dû se sentir dans une histoire
obamagique pour débourser comme ça un million de dollars pour des
pauvres ! Qui de nos millionnaires réserverait 300 chambres dans le plus
bel hôtel de Paris pour l’investiture de Nicolas Sarkozy ? Mais là-bas
tout est possible. Suffit un peu de bon sens, de la volonté… Et quelques
dollars en poche.
300 convives très spéciaux participeront donc au bal après la
cérémonie d’investiture du 44ème président à laquelle ils seront
présents. Parmi eux, des enfants des rues, des femmes battues ou des victimes
d’ouragans. Bref, de quoi édifier une magnifique Cour des Miracles, sauf que
cette fois, ils se gaveront de fruits de mers et danseront dans de magnifiques
tenues de soirée !
Barack Obama est donc un président d’un nouveau style. Lui
qui a débuté sa carrière en tant qu’animateur sociale dans un quartier
défavorisé de Chicago, promet désormais d’être à l'écoute des nécessiteux. Plus de scandale de la Nouvelle Orléans, jamais ! Alors, de gauche
le sénateur de l'Illinois ? A ce poste, il aurait milité en faveur de la couverture sociale des plus
pauvres, le « béni » aurait prit la défense des droits des
homosexuels. Mais le premier président afro-américain des Etats-Unis est aussi
homme de compromis. Nombre sont les journalistes perspicaces à mettre un frein à l’obamania générale en faveur de plus de réalisme. Realpolitik, on connaît le refrain
outre-Atlantique. Les colombes ne font pas long feu… Barack Obama s’est entouré
de nombreux membres de l'administration Bush pour gouverner. Inutile de la jouer franchouillars avec notre bonne vieille politique bipolaire, Barack sera dans le camps des pragmatiques ou échouera. Mieux
vaut, pour l’instant, se contenter du rêve américain : 300 convives sans
le sou au bal le plus huppé de toute l’histoire du pays ! Fort probable
qu’un film sorte dans l’année à venir sur ce nouvel exemple de magie à la
sauce « Stars and stripes »…. Yes
they did !
« Brailler ». Sens
premier: « crier de façon
assourdissante ». Sens figuré: « chanter fort et mal » (définition de l’Internaute). Quel chanteur supporterait qu’on
le compare, même de loin, à un « brailleur » ? Pour Tomasz, loin d’être une
insulte, ce dénominatif est devenu l’étendard de son art.
Une énigme…La trentaine bien
attaquée mais toujours mal rasé, sweat-shirt à capuche, l’air pataud et
affreusement amical, le chanteur se passe des formules de politesse de circonstance.
D’ailleurs, cet arpenteur de petites salles de concert en tout genre éjecte de
fait toutes les normes de langage conventionnelles et les non-dits habituels.
Samedi 3 janvier, après une première partie au Connetable, petit resto dans le Marais doté d’une cave en sous-sol,
Tomasz annonce à un auditoire réduit : «si
jamais vous voulez rester jusqu’à 22h30, je serais là pour brailler une petite
demi heure » !
Décontraction déconcertante,
probablement acquise après la bagatelle de 500 concerts qu’il a joués depuis 2001. Tomasz est boulimique de la scène,
accro au contact avec son public. Il suffit de regarder son myspace. Neuf
concerts l’attendent déjà en janvier... L’année 2009 commence fort. Un homme
pressé se cacherait derrière ce visage enfantin et enjoué? Etonnant pour un adepte de Noir Désir, mais
le chanteur avoue n’être efficace que dans l’action, et ne pas se donner le
temps nécessaire à travailler ses compositions. Des caves comme celle du Connetable, il en a écumé des centaines.
Ses sous-sols préférés ? L’apérock
café, le Café de mars, la Cave se rebiffe…Quand il a commencé à
gratter dans des groupes de rock, l’envie de live l’a vite gagné. « Mon but c’était de faire des lives.
Faire deux répétitions par semaines pour un live par mois, ça ne me convenait
pas ».
Alors il décide de tenter sa chance en solo. Culotté pour quelqu’un qui a
appris la guitare seul et « comme un
feignant ». Mais tout semble aller de soi pour cet enfant d’Europe de
l’Est. Ses parents ne sont pas musiciens, mais à leur départ de Pologne, ils
emportent avec eux leurs mélodies slaves. Tomasz a huit ans. Il est fasciné par
la guitare. Peut-être parce qu’en écoutant le transistor qui braille des
mélodies rock, il n’arrive pas à comprendre comment les guitares rouges – un groupe de rock polonais « à
connaître » - font pour tenir à l’intérieur ! Alors c’est sur ce
mystère qu’il décide d’aller s’égosiller de cave en cave depuis huit ans? Une
passion fétiche ? Un souvenir de gosse ?
Une énigme…Les braillements en
question, ils reviennent à intervalles réguliers, comme les anecdotes
caustiques qui rythment son live bien calé. Ses prestations se divisent entre
reprises et compositions personnelles. Le besoin d’être bestial, de faire
cracher le micro ? « J’aime trop faire des reprises. Quand je ne fais que des compos,
j’ai l’impression d’avoir faim en sortant, tu comprends ? » Soit.
Son regard plein d’assurance, de celle qui naît d’un parcours bien rempli et
loin d’être encore achevé, parle surtout de liberté. Oui, sa manageuse, « une amie » précise-t-il, le somme de faire plus de compositions, pourquoi pas des
premières parties, mais il ne semble pas prêt à faire ce saut qualitatif. Peur de s’enfermer dans son
propre style, de déplaire, de s’appauvrir, ou générosité envers ses pairs et
son public? Peut-être tout simplement le
plaisir de chanter ses vieilles rengaines. Un bonheur perceptible sur son visage quand il
« braille » Allez viens de
Mano Solo, quand il rugit de plaisir au beau milieu d’un morceau de Noir Désir.
Le public, lui, frissonne lorsqu’il l’entend fredonner Jeff Buckley avec des
trémolos dans la gorge et un coffre digne de l’ex-rossignol du rock n’ roll.
Pourquoi se priver de ces reprises bien senties pour se consacrer
uniquement à la compo? « Je ne suis
pas vraiment carriériste » révèle-t-il. On s’en doutait un peu. C’est
peut-être son remède à l’aigreur, un des seuls thèmes
qu’il aborde les sourcils froncés. Pourtant au-delà des reprises, ses
compositions valent aussi le détour. Le chanteur aux racines polonaises pense
slave quand il compose et français quand il braille. Le résultat donne des
créations tout en langueur et empreintes de nostalgie. Toute la variété
française se donne en fait un apparat slave, « avec des accords ré la mineur ré mineur qui viennent tous de
l’Est » selon Tomasz, qui apprécie cette recherche de nouvelles
influences. Le chanteur qu’on imagine
bon camarade, se fait bombarder de conseils par ses proches. Pourquoi pas des
compositions en polonais ? Arrêtes de
tourner, prends plus de temps pour composer ? Mais les écoutes-t-il ? A l’heure actuelle, comme s’il
n’assumait toujours pas son côté mélancolique, ses concerts finissent toujours
avec une petite dernière de Jeff Buckley ou de Tracy Chapman.
L’énigme a peut-être là son dénouement.
Comme tant d’artistes qui tournent de cave en cave avec des cachets qui
feraient pouffer les adeptes des grosses scènes, Tomasz a le profil modeste.
L’ambition ne le ronge pas. Son album Novambre
sorti l’an dernier est en vente dans quelques magasins, mais surtout à la fin
de ses concerts. Il table sur 300 ventes par an. Pour le montage et l’édition,
ce débrouillard a transformé son appart en studio d’enregistrement. Bienvenue
dans le monde merveilleux de l’autoproduction ! Des mois de boulots, en trio
avec une violoncelliste et un accordéon rencontrés sur le site de rencontre
myspace, comme son ami manageuse. Depuis, il est sur un nouveau projet avec des
enfants de sa ville. En collaboration avec un auteur, il a proposé à la mairie
de Suresnes de faire chanter les enfants entre 16h30 et 18h à la sortie de
l’école.
Une façon peut-être de montrer
aux gosses que la chanson n’est pas que du bruit enfermé dans un transistor,
que tout le monde peut en faire. Tomasz a dû
passer par des études avant de pouvoir fredonner librement. « J’ai fait quatre ans d’études en AES
(Administration Economique et Social)…J’en ai au moins tiré une chanson »,
s’amuse-t-il à dire avant de fredonner son morceau sur la vocation de
travailler dans l’administration. Lui qui a fait le mouton comme tout le monde,
rêve peut-être en secret de voir des jeunes pousses de brailleurs à Suresnes,
prêts à prendre la relève…Mais la chanson n’est pas comme le sport, on peut
faire une longue carrière. Même si ce bon vivant concède avoir fait des excès
au cours de ses nombreuses tournées. « Tu
te fais payer quatre, cinq pintes, il y a un moment où il faut savoir dire
stop ». Dorénavant, il se vante d’être un des seuls Polonais à boire
de l’eau. Et il espère continuer à brailler pendant encore longtemps. A moins
que – il semble seul à s’en inquiéter - il ne devienne aigri avant. En attendant, il continue de
brailler, profond comme les caves qu’il écume, et insouciant, comme si chaque
concert était une première. Aurais-t-il trouvé dans les bas-fonds parisiens
l’élixir de l’éternelle jeunesse ?
Pour en savoir plus, rendez-vous
sur le myspace de Tomasz,
Nous vivions reclus sur notre
lopin de terre, pareils à des spectres livrés sur eux-mêmes, dans le silence
sidéral de ceux qui n’ont pas grand-chose à se dire…Le
décor est planté. Le destin de la famille de Younes semble fatalement écrit au
verso de l’Histoire. Mais alors qu’il est promis à une vie d’indigence dans les
bidonvilles arabes de Rabat, son père le place sous l’aile de son oncle, qui
lui a réussi et vie dans la partie européenne de la ville. Changement de décor
pour Younes. Francisé – on l’appelle Jonas – il passe son adolescence dans une
petite bourgade où ils se mêlent aux colons français. Et dans ce décors
paisible ombragé par la menace de la guerre civile, Younes rencontre l’amour.
Mais entre un Arabe et une Française, l’union, plus qu’improbable, est
impossible...Le
parcours torturé de cet enfant sans famille, à la croisée entre deux cultures –
ses racines arabes et sa culture française d’adoption – est ressassé par une
plume qui mêle poésie et dramaturgie avec la même force. Le récit oscille entre
l’introspection du personnage principal et les échos d’un conflit larvé, celui
de l’indépendance de l’Algérie, qui grandit à mesure que l’histoire se
développe.
Mais
le contexte de décolonisation n’élude pas toute la beauté méditerranéenne de
l’Algérie, qui ressort avec grâce sous la plume imagée de l’auteur. Par son
dernier roman, Yasmina Khadra
effectue un retour à ses racines, en rentrant dans la peau d’un enfant en quête
d’identité, et nous décrit avec une finesse rare l’une des période les plus
dure de l’histoire de son pays.
Pour
cette fresque mêlant Histoire et sentiments, l’auteur algérien francophone a remporté
le prix France Télévision. Mais pour l’écrivain, son dernier roman, présenté à
l’occasion de la rentrée littéraire 2008, méritait
plus. Pas de prix plus prestigieux donc pour celui qui se considère « plus célèbre que l’Algérie ».
C’est
sous son vrai nom, Mohammed Moulessehoul, que l’ancien militaire officiant dans
l’armée algérienne a publié ses premières nouvelles. Arrivé en France en 2001,
il publie L’écrivain sous le
pseudonyme Yasmina Khadra. Mais c’est Morituri
qui le révèle au grand public. Désormais internationalement reconnue, son œuvre
est traduite en 33 langues. Ces dernières publications prenaient la forme d’une
trilogie articulée autour du dialogue entre Orient et Occident. Avec Les Hirondelles de Kaboul
en 2002 (adapté au cinéma), L'Attentat en
2005 et Les sirènes de Bagdad
en 2006, il a tracé un pont entre ces deux civilisations, soucieux de briser
les préjugés qui règnent d’un côté comme de l’autre.
Ce que le jour doit à la nuit ne sera ni
Renaudot ni Goncourt, ce qui a le don de froisser l’écrivain. Pour le lecteur,
l’important est ailleurs, ce nouveau roman aborde d’une manière nouvelle un
sujet épineux - la décolonisation algérienne – un retour important sur
l’histoire partagée de deux pays frères et ennemis.
- Pour une vie fade, sans folie, lesté d’une fille de bonne âme et de bonne lignée, tapez 1.
- Pour un destin sinueux, sans cran de sûreté, carpe diem, lié à une paire sulfureuse mais instable et inconstante, tapez 2. Avant le vote, retour en arrière. Comprendre avant de répondre, la rengaine des professeurs téméraires a fini par payer. Problématique: comment arrive-t-on à un tel love dilemme?
C'est comme dans la pub Axe. Il était un avant, il y eût un après...Enfin un a-peu-près pour être plus précis. Léonard était seul, au bord du suicide, il vivait encore chez (et bossait avec!) ses parents. Une flamme au fond des tripes, un trésor caché, certes, reste que "dis-moi où tu habites...". Ses parents ont beau être du genre discrets, le trio classe moyenne a beau être attendrissant, on craint pour la santé mentale du jeune lunatique, flanqué de ses rêves et de ses hobbies sans profondeur. Puis la roue tourne. Deux rencontres, une brune
(Vinessa Shaw), une blonde (Gwyneth
Paltrow). Culotté le Leonard, qui ne peut s'empêcher d'aller bouffer à tous les râteliers. On a beau lui répéter que cette douce jeune fille est de bon ton pour lui, que c'est bon pour le business du paternel...Rien n'y fait. A croire que quand on vous tend des perches, vous foncez bêtement dans le néant qu'elles cachent. Mais, malin, James Gray nous enveloppe le néant de reliures dorées. Les belles tignasses blondes reste l'arme fatale pour faire faillir les plus braves, et Leonard loin d'assurer la bravoure, a avec une dose hors du commun d'entêtement...Jusqu'où est-il prêt à mlonger avant de rattrapper la perche?
James Gray a fait appel à un trio d'acteurs capables d'endosser des rôles tordus et exigeants. Dans le genre attachante avec un regard de chien fidèle, Vinessa Shaw en vient à faire douter des bons sentiments, comme si ce trop de bonté était obscène. Gwyneth Paltrow incarne elle une névrosée en perdition, comme un radeau de la méduse: dangereusement esthétique. Enfin, last but not least comme diraient les british, Joachim Phoenix, désolé de nourrir l'archétype, mais c'est pour moi le roi des écorchés vifs. Il en a le physique certes, mais surtout cette flamme troublante et jamais de la même couleur qu'expose son regard selon la séquence. Le love dilemme s'éloigne alors du naufrage dramatique, mais aussi du conte de fée onyrique...Le jeu de l'amour est le plus révélateur de nos lumières comme de nos travers. A ce petit jeu, James Gray nous met tous à nue!
Two Lovers de James Gray, avec Joaquin Phoenix, Gwyneth Paltrow et Vinessa Shaw. Sorti le 19 novembre.
La Vie Moderne, Raymond Depardon et Claudine Nougaret
On est sur les routes de l’Ardèche,
lentes et sinueuses. La nature entoure la camionnette ronflante qui se dirige
vers la ferme des Privat. A l’intérieur, le décor est simple. Pas un meuble ne
semble avoir été ajouté depuis la dernière visite de Raymond Depardon, quelques
années plus tôt. L’endroit est pauvre. Pourtant,
Marcel et son frère possèdent un des troupeau
de moutons et de chèvres les plus importants
du voisinage. Ils sont éleveurs. Leurs parents faisaient ce métier, mais que
feront les enfants ?
On reprend la route, lente et
sinueuse. Les fermes se font discrètes entre les sentiers escarpés, mais
Raymond Depardon les connaît toutes, après y avoir tourné les premiers volets
de sa Trilogie « Profils paysans ». La Vie moderne est la
conclusion de cette série d’entretiens.
Entre les paysans, Raymond Depardon et Claudine Nougaret,
une caméra et un micro. Patient, immobile, l’œil électronique est rivé sur des
visages racornis, parfois souriant, souvent fermés. Des questions simples,
amicales, pour briser le silence et scruter les pensées des éleveurs sur leur
vie quotidienne. Peu habitués à ce manège, leurs propos restent souvent
allusifs. Mais ce que l’on croit être timidité ou manque de conversationest
peut-être une sagesse oubliée, capable de résumer une vie en quelques mots.
Comment illustrer un mode de vie en
train de disparaître ? Le photographe de l’agence Magnum ne s’intéresse
pas au travail des paysans, il n’est pas naturaliste.Fils de paysan lui-même, il porte un regard anthropologique.Les
agriculteurs enracinés dans leur terre natale, mêlés à ses ressources, son air,
voilà une cause perdue. Un oubli que le documentariste rattrape avant qu’il ne
soit trop tard. La vie moderne aura
bientôt raison de ces modes de vie, filmés ici dans leur digne intimité.
Comment perpétuer votre mode de vie ? Que transmettrez-vous à vos
enfants ? n’ose pas demander le
journaliste. Les réponses se lisent dans les regards, non
dans les mots. « Tu as peur quand tu
te dis qu’un jour tu ne pourras plus travailler ? », interroge
Raymond. « Pourquoi j’aurais peur,
je n’ai peur de rien, pas même de la mort » répond l’agriculteur
septuagénaire. Tu l’auras pas ton scoop,
Raymond !
On sent tout le potentiel politique
derrière ce film, tout l’engagement de l’auteur pour témoigner d’une extinction
professionnelle et culturelle. Mais pas de cri, pas de pleurs pour
l’accompagner. Juste une sagesse étrange et discrète. Il faut dire que le
chemin qu’ils ont parcouru est déjà long. Long, lent et sinueux.
Tricky en live à l’Elysée-Montmartre, Dimanche 30
novembre.
En sortant du boulot ce dimanche, il a vraiment les nerfs. Et les discours
alarmistes sur la loi du travail le dimanche le font doucement sourire.
Narquois, irascible, il veut, le temps d’un soir, sortir ce nœud qui lui colle
à l’estomac. Coïncidence ? Tricky débarque à Paris pour un concert à
l’Elysée-Montmartre. Le lieu, dont l’architecture transpire le passé théâtral,
semble convenir au dramatique du moment. Plus qu’un hasard, une simple justice
se dit-il : après son buzz médiatique raté au 104, le kid de Bristol se
devait un live en bonne et due forme.
Echauffement et mise
en jambe
Tricky n’a pas sorti de disque pendant quatre ans.
Difficile à avaler pour les fans, alors certains ne l’attendaient plus. Mais,
imprévisible, l’écorché vif d’outre-Manche débarque avec un nouvel album.
Comment va-t-il le défendre ? Quel est la couleur du nouveau Tricky,
apaisé ou plus brutal encore? Pendant une heure, il n’en saura rien.
Planté au milieu de la foule, elle-même lâchement abandonnée par le chanteur en
coulisse, il s’énerve. Tous s’impatientent, et le tube de dancehall qui tourne en
boucle pour les faire patienter ne fait qu’échauffer d’avantage les esprits.
En coulisse, on s’échauffe aussi. Et quand le gong retentit,
tout est prêt. La mise en scène, malgré le temps d’attente, annonce un show
agressif. Tricky débarque, spliff entre les doigts, le public dans le dos, il
commence à balancer. Les instrumentaux démarrent, langoureux mais saillants,
comme un orchestre symphonique avant une scène de crime. Puis il se retourne,
laisse poindre un visage grave, et commence à chuchoter dans le micro.
L’ambiance monte d’un cran.
Une heure et demi
d’agressivité mélodique
Sur scène, le kid de Knowle West, quartier pourri de
Bristol, est un personnage clownesque et inquiétant. La cadence saccadée des
musiciens lui sert d’électrochoc. Il s’immobilise, puis se contorsionne, secoue
la tête sans relâche, puis retombe dans ce faux rythme qui précède la tempête.
Tricky est là où on l’attendait. Pas calmé du tout le pionnier du trip-hop. Une
voix féminine soufflée et planante l’accompagne, et donne à l’ensemble toute la
complexité d’un genre musical porté par des groupes tels que Portishead et
Massive Attack. Tricky y ajoute sa dose de violence.
Après une pause, le groupe revient pour trois morceaux qui
n’en finissent plus.. « You’re all
special » scandeAdrian
Thaws, alias Tricky, dont les messages s’adressent souvent d’abord à l’égo, ensuite
à l’instinct. Gamin, il en a bavé. Le son écorché de ses compositions parle de
sa colère. L'ensemble est fondu par un sampleur qui mélange les styles. La rencontre entre électro, fusion, ragga, et le
dialogue entre sa voix rauque et une voix féminine fonctionne
étrangement. Bref, Tricky est drôlement chouette, même s’il n’aimerait pas
qu’on dise ça. Et dans ces conditions, pourquoi ne pas travailler tous les
dimanches ?
Il faut un bon grain de folie pour oser affronter
un art aussi exigeant que la danse sans en avoir l’expérience, normalement
acquise après des années de labeur.
Etais-ce risqué ? Probablement. Mais de
risques nos vies débordent. C’est un risque pour Juliette Binoche que de se
produire sur scène en duo avec Akhram Khan, danseur contemporain de renom. Et
ce sont les risques de la vie quotidienne d’un couple qu’ils mettent en scène,
entre le 18 et le 29 novembre au théâtre de la Ville, dans une chorégraphie émouvante et pleine de fantaisie.
A voir Juliette Binoche se mouvoir
sur scène, alternant entre pas classiques et gestuelles brutales du quotidien,
on se dit que pour elle, la scène et la vie ne font qu’un. On se demande si ce ne sont pas ses
rêves brûlants d’adolescente qu’elle retranscrit dans ce spectacle, en y
intégrant le désenchantement et le cynisme de son univers d’adulte. De l’instant magique où elle
désire sa nuque dans l’obscurité d’un cinéma, au lot de chagrins dus aux partage
de son toit, Juliette Binoche récite tout son vocabulaire de l’amour pour un
homme. Sur scène, leur couple est délicieusement humain. Les corps s’attirent
autant qu’ils se fuient, se caressent autant qu’ils s’attaquent. Le quotidien
le plus trivial y côtoie les crispations identitaires les plus sombres. C’est
toute la beauté du scénario : il enrobe toutes les trames de leur vie dans
une danse qui les enivre tour à tour d’amour et de haine réciproque. Il est follement risqué de
traiter de l’amour. Juliette Binoche et Akhram Khan ont fait le choix de se
mettre à nu. Dans leurs saynètes, ils ne dansent pas seulement, ils
s’engueulent, chantent, font l’amour, pissent… Ils s’aiment, à leur manière, qui
est aussi la nôtre. Bref, ils prennent le risque d’être humain.
La gare de Charonne,
un café-concert vintage ? Jamais les passagers de LaFlèche d’Or ne l’auraient imaginé. Pourtant, complaintes de la modernité, la fière
locomotive a été dépassée ici par les bus, là par les voitures, et la gare où
passait le train à vapeur a dû fermer. Une page s’est tournée, et le livre
aurait pu se fermer là. Mais l’histoire est relancée dans les années
quatre-vingt dix. L’heure est alors au
vintage, et une association de mélomanes nostalgiques s’approprient la gare
abandonnée pour en faire un espace musical ouvert aux artistes et fêtards en
tout genre. Le lieu se veut sans
règle ni contraintes, à tel point que les autorités mettent peu à peu le nez
dans leurs affaires et découvrent les excès de la vie nocturne de LaFlèche d’Or. De fouille policière
en fermeture administrative, le lieu devient plus calme, la fête se normalise.
Les nouveaux managers de LaFlèche
d’Or sont-ils allés trop loin dans le
repenti ? Que reste-t-il de l’esprit des fondateurs ?
Le XXe arrondissement de Paris, c’est un peu comme
les Alpes : montagneux et désert. Des sommets urbains, et au loin, les
cimes des cités de la banlieue est. Pourtant samedi soir, en descendant la rue
des Pyrénées, j’aperçois au milieu du paysage une centaine de personnes qui
font la queue dans le froid, à l’entrée de la rue de Bagnolet. Cette lumière au
102 bis, c’est La Flèche d’or. La vingtaine dépassée, ils scrutent l’avancée de la queue,
jettent un œil à l’humeur des videurs, et discutent avec les veinards qui sont déjà
rentrés. Attendre, semble-t-il, fait partie du jeu. Et il en vaut la
chandelle : depuis 2003, La Flèche
d’Or est ouverte et gratuite tous les jours de la semaine jusqu’à deux
heures du matin. Pas moins de trois show case de musique actuelle sont
programmés, suivis, dès minuit, d’une soirée électro où s’enchaînent une
pléiade de DJ. Mais depuis quelques mois, venir découvrir les dernières
tendances musicales de Paris a un prix. Cinq euros. C’est peu pour Alexandre, qui
s’occupe de gérer la communication de la salle. Rencontré un peu plus tôt, il
propose une visite de son antre, à la couleur grise et ferrailleuse de
l’ancienne gare de Charonne. Au fond, un restaurant avec véranda donne sur les
rails. Pendu au plafond, une statue de licorne. Des peintures apposées par des
étudiants des beaux-arts ornent les murs. On comprend le coup de foudre
d’Alexandre quand il a décidé de travailler pour la nouvelle équipe en 2003. Il
revient, amusé, sur l’ambiance de La
Flèche d’Or dix ans plus tôt, le bar était alors un squat d’artistes. Les
clients finissaient souvent dehors… Sur les rails ! Bref, la fête ne
supportait pas la moindre entrave. Mais les débordements et les trafics de drogue ont mis fin à
cet îlot de liberté. En 2003, un énième contrôle de la police produit
l’inévitable : la fermeture administrative de la Flèche d’or.
La Flèche d’Or sans
ses pionniers
Le lieu renaît de ses cendres, mais les nouveaux gérants
changent de formule, calment le jeu. Pour la serveuse du Gambetta,
le troquet qui jouxte la boîte, c’est en fait tout le quartier qui s’est
transformé. Plus de squat d’artiste face à la salle. Il a été rasé puis
remplacé par une résidence étudiante. A côté, un nouvel hôtel, le Mama Shelter, s’est ouvert. Et touristes
et autochtones peuvent désormais se rendre dans la médiathèque flambant neuve à
deux pas. La rue de Bagnolet s’est donc acclimatée à l’air du temps,
elle est devenue cosmopolite. Une aubaine pour les nouveaux gérants de la
Flèche d’Or, qui en rouvrant la salle en 2003, ont fait fructifier un lieu
devenu culte. Mais pour beaucoup, l’esprit des pionniers est déjà loin.
L’entrée payante n’est que l’ultime coup de crayon qui fait du lieu une boîte
comme tous les autres lieux nocturnes de la ville.
Au 102 bis rue de Bagnolet, on peut désormais se faire planter par des videurs
peu bavards, s’insurge un habitué sur le profil Facebook de la salle. Il se
promet d’ailleurs de ne plus y mettre les pieds. La serveuse du Gambetta, elle, n’essaie même plus d’y
entrer. Elle s’est trop faite refouler.
De l’art de lier
argent et création musicale
Pour les fans de la première heure, l’affaire est grave. Car
si tout lieu festif doit perdre son esprit originel pour remporter un succès
commercial, la culture risque d’être un pur produit industriel. Logique commerciale ou désir de faire connaître et de
soutenir les artistes ? Pour Alexandre, les deux aspects vont de pair. Ce ne sont plus tant les locaux qui viennent se rassasier l’oreille
musicale, mais un public qui suit les dernières trouvailles sur internet, et défend
ses artistes favoris. La Flèche d’Or
est ancrée dans cette nouvelle réalité du marché musical : le réseau. Pour
faire des entrées, ils font appel à des tourneurs qui les conseillent sur les
groupes qui font le plus de vague sur la Toile. Le responsable de la
communication est réaliste : l’équipe artistique du bar ne peut pas faire
son travail sans le budget des entrées. Or le public, trop souvent, est venu
sans dépenser, et la boîte, sans subvention publique aucune, aurait à ce rythme
bien vite fermé. Pour les nostalgiques, une page s’est tournée. Encore un
lieu culturel gratuit qui disparaît. Pour ceux-là, Alexandre est sans complaisance. Ils peuvent
aller dans les salles subventionnées par la mairie s’ils veulent ! Ils ne
paieront jamais sous la barre des dix euros pour un seul artiste dans la soirée. Pour lui, La Flèche
d’Or est un lieu fragile, comme l’est la culture à l’heure actuelle, et ce
n’est pas un scandale que de payer sa boisson pour voir Cocorosie suivie de
Keziah Jones !
Voici un petit aperçu de ce qu'ont été les concerts de la 29e édition du festival des Transmusicales, à Rennes, l'an dernier.
Le journal de Sciences po Rennes, Les pieds dans le cloître, a eu la chance de couvrir l'évènement.
Spécificité du festival, à côté des artistes consacrés qui remplissent des salles de plusieurs milliers de personnes, une pléiade de musiciens se font encore la main dans les bars de Rennes. Le public est restreint, mais intraitable, l'ambiance, simple et chaleureuse.
Bastet est dans la place... Le chanteur breton, en nage, scande : « Ca s’appelle les bars en transpiration ! ».
Le leader du groupe a bien raison. Prenez un bar rempli, une heure d’attente et vous obtiendrez des corps suintants. C'est le prix à payer pour ce voyage musical en terre anglophone. Entre Supertramp et les mythiques Queen, Bastet nous transporte dans un univers sonore so british : « delightful ! ».
Le quatuor quimpérois prend un chemin original. Il met le paquet sur les claviers sans perdre l'intensité de leur rock planant et onirique. On se souvient alors des performances magiques de Freddie Mercury au piano, le parallèle est tracé. Leur credo est bien celui d’une pop limpide, enivrante et rythmée. Le clavier aux sonorités electro et leur audacieux duo de voix innovent en parant la mélodie pop d’une robe moderne.
Marchent-ils sur les traces du duo français Air ? Groupe qui osa la traversée de la Manche pour aller chercher ses influences british. Une chose est sûre avec Bastet, la qualité de la pop en Bretagne n’a rien à envier à sa grande sœur d’outre-Manche !
Pour le trio lillois, membre du collectif de La Marmite, une heure de set est suffisante pour venir à bout du public.
Mode d’emploi d’une invasion électro-nordique, rythmée, psychédélique et sans concession :
Acte I, l’armée de voix puissantes se déploie. Le Ty Anna Tavarn est secoué par une artillerie lourde de fat disto. Les machines modernes reflètent l’avance technologique des lillois. L’electro rétro et ludique fait son effet. Les corps se lâchent et déraisonnent.
Acte II, c’est l’explosion ! Les beats répétitifs et expérimentaux créent une ambiance psychédélique. Ils osent le mélange entre disco rétro et break beat. Un guitariste hirsute accompagne un morceau de ses rugissements vocaux.
La formation electro-punk s’étonne… Ca fonctionne ! Le rennais apprécie et se lance dans des déhanchés lubriques. Rien d’étonnant tant leur electro ne peut laisser indifférent. L’électro-nordique n’est pas froide. Bien au contraire, elle enflamme le Ty Anna Tavarn !
Epilogue, Genjini a vaincu. La découverte du Printemps de Bourges 2006 a accompli sa mission. D’un bar breton, elle a façonné un club underground.
« Ok Rennes est-ce que vous êtes chaud comme des patates ?! »
Entrée décapante, décalée et scénique. David Boring déboule dans le sous-sol du Ptit Bazar, et le public s'ameute. Chemises kitsch mais crinières viriles, flow puissant mais chorégraphie sexy... Mais d'où sortent-ils ?! Rencontre avec un trio inédit qui allie avec brio (et humour au 7ème degrés) rythmique électronique (Eurobelix aux machines), rap efficace et envolées électrique (MartinLutherBBKing à la gratte).
> 3 questions alcoolisées au groupe
Que pensez-vous du public rennais? Cool guys, really cool. Ils boivent beaucoup et ils transpirent beaucoup. S'ils tanspirent c'est que c'est des gars cool !
Vos influences ? Attends c'est clair, c'est fresh prince, c'est Clint Eastwood, c'est Leonardo di Caprio, Queen, Gun's&Roses, et des français comme Daft Punk, Minitel Rose... Cool guys ! On a joué avec eux !
Vos projets d'avenir ? Grandir, prendre en maturité, sortir un album, acheter un scooter !
Planter le décors. Décrire le climat,
rapporter les bruits, capter les couleurs,
découvrir des langues, des attitudes.
Flotter au-dessus des remous et des passions tristes. Essayer.